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Maintenant, je suis le groove

L’oiseau est le personnage d’un roman que je n’arrive pas à écrire (ou en tout cas à finir). C’est une allégorie de la voix de la protagoniste, dans la bouche de laquelle il fait son nid. J'ai inventé l'oiseau pour pouvoir quitter le ras des pâquerettes quand on me coupe l'herbe sous le pied.

Mais pour que l’oiseau sache voler, il m’aurait fallu lui apprendre à tomber. De son nid, il regarde le sol en bas et voit dans sa tête la scène, le sang, le petit corps disloqué. « Tu dois laisser le mouvement de la chute arriver » que je lui dis. Il essaie, il veut être sûr de bien réussir. Sa main est prête, ses genoux ralentissent sa progression vers le sol. « Tu es beaucoup trop en contrôle » que je lui dis encore. Il essaie à nouveau. Le sol lui paraît si loin. Il a peur. Il protège sa tête en raidissant son corps. Je lui intime : « Vas-y, maintenant », en claquant des doigts. Il tombe. Il cogne l’arrière de son crâne sur le plancher. Je me dis qu’il doit trouver un moyen de lâcher prise. Il n’a jamais appris ça. Il tient sa vie entre ses mains comme une jarre fragile pleine d’un liquide radioactif.

J’ai inventé l’oiseau pour pouvoir être, parfois, comme ce pigeon posé sur le bord des grandes fenêtres ouvertes au 3e étage du Belgo, un soir de l’été dernier, et qui a passé presque toute une heure à nous regarder danser. J’ai voulu me tenir, moi aussi, à la fois dans l’atelier et sur son seuil, passer ma tête dans l’embrasure de sa porte et marteler son sol de mes pas impatients.

Quand les Productions Langues pendues, puis la revue Les écrits m'ont demandé de penser l'atelier, j'ai pensé à l'oiseau. 

Et si la création, qu’il est aisé de penser en termes de présence, d’expression, de visibilité, était aussi (voire essentiellement) affaire de disparition? C’est une question qui émerge à la lecture de ce numéro, dont plusieurs textes interrogent ce qui demeure tapi dans l’obscurité, en retrait, alors que quelque chose d’autre s’avance vers la lumière.

Ce numéro 172 de la revue Les écrits propose la première des trois contributions de l’écrivaine en résidence Monique Proulx. Il présente également les textes du Laboratoire de l’écrivain·e, dirigé par France Mongeau, qui s’est attardé à « l’atelier comme langages et chaos ». Ce thème a rassemblé le photographe Bertrand Carrière et les auteur.e.s Monique Deland, Nicholas Dawson, Karianne Trudeau Beaunoyer, Noémie Pomerleau-Cloutier et Myriam Vincent.

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À suivre, dans la revue d'abord, et ailleurs éventuellement...

Pour acheter

Les Écrits, no. 172 · Disparitions, apparitions 

sous la direction de 

MICHELINE CAMBRON et FRANCE MONGEAU

avec des contributions de 

MONIQUE PROULX, DANIEL CANTY, FRANCE MONGEAU, MONIQUE DELAND, NICHOLAS DAWSON, KARIANNE TRUDEAU BEAUNOYER, BERTRAND CARRIÈRE, NOÉMIE POMERLEAU-CLOUTIER, MYRIAM VINCENT, CHRISTOPHE CHARLAND, ELLIS DICKSON, ANTHONY LACROIX, MATHILDE LORANGER, FRÉDÉRIC HARDEL F. PAULINE BENGUIGUI, GILLES DAIGNEAULT, ANGELA GRAUERHOLZ

  • Octobre 2024

  • 17 $

  • 9782924558645

Les écrits

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© 2021 par Karianne Trudeau Beaunoyer

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